La société face aux micropolluants
La lutte contre les micropolluants passe par une description rigoureuse de leur présence, de leur danger et de leurs impacts sur le vivant, mobilisant la chimie, l’hydrologie, l’écotoxicologie et l’écologie.
Cependant, cette pollution est également un enjeu de société : ayant pour origine notre système de production, nos modes de vie, nos habitudes de consommation ou encore nos routines professionnelles, la réduction de cette contamination des milieux s’appuiera obligatoirement sur des changements de comportements humains (pratiques professionnelles et domestiques), aidés ou non par l’introduction d’innovations techniques.
L’apport des sciences humaines et sociales (SHS, incluant sociologie, sciences politiques, anthropologie, géographie, psychosociologie) est donc essentiel.
Zooms
- Micropolluants urbains : l’appel à projets Innovation et changement de pratiques : micropolluants des eaux urbaines a souhaité mettre les SHS au premier plan et soutenir un grand nombre d’enquêtes de terrain sur ces thèmes.
- Pesticides agricoles et notamment impact sur les ressources en eau potable : les pouvoirs publics se sont efforcés ces dernières années de formaliser des connaissances à destination des acteurs publics impliqués dans la gouvernance locale de l’eau (collectivités territoriales, services de l’État, agences de l’eau, etc.). L'objectif étant de permettre d’identifier les leviers et les contraintes au développement de la coopération, ainsi que de définir les actions à mener pour lever les contraintes pesant sur l’action collective. Agir sur ces contraintes est en effet crucial dans une perspective de pérennisation des actions visant la maîtrise des pollutions diffuses dans les aires d’alimentation de captage.
Quelle perception de la population ?
Bien qu'il concerne tout le monde, le concept même de "micropolluants" est largement issu des sphères scientifiques et réglementaires.
Afin d'identifier dans quelle mesure la société dans son ensemble pourrait à terme s'emparer de ce sujet, les sociologues des projets du dispositif Micropolluants des eaux urbaines ont étudié sa perception par les citoyens et les professionnels.
Apport des projets de l'AAP Micropolluants des eaux urbaines
Projet Lumieau-Stra (Strasbourg)
Les représentations du « tout-à-l’égout » et leurs déterminants : analyse sociopsychologique des perceptions et des intentions comportementales
Ce travail compile les résultats d'une analyse bibliographique montrant comment s’est forgé le système d’assainissement actuel, quelle est la nature des rejets, leur évolution et la façon dont ils sont perçus par la population. Il relate également une étude menée auprès de la population strasbourgeoise afin de mieux cerner leur représentation de la menace des micropolluants.
sur cette démarche spécifique a par ailleurs été réalisée dans le cadre de la série Arceau/AFB "Méthod'Eau".
Projet Regard (Bordeaux)
Synthèse opérationnelle présentant le bilan du diagnostic territorial mené sur le territoire de Bordeaux Métropole
Au chapitre de ce bilan concernant la "source domestique" (§7.2), sont réunies de nombreuses données inédites concernant les connaissances des usagers, et leurs attitudes. Les représentations par les citadins bordelais des questions suivantes y ont notamment été enquêtées :
- devenir des eaux usées,
- vecteurs de contamination des milieux aquatiques,
- présence des micropolluants dans les produits domestiques,
- incidences des produits domestiques sur les milieux aquatiques,
- prise en compte du risque "micropolluants" par les citadins eux-mêmes.
Projet Cosmeteau (Paris)
Cosmeteau - Le processus d’alerte sur les micropolluants issus des produits de consommation : de la création de l’alerte à sa diffusion
Ce travail cible la perception du sujet "micropolluants" par les acteurs des politiques publiques. Il explore différents lieux où se négocie le sens de ce problème public émergent et par conséquent les actions que les autorités publiques entendent conduire pour le réguler. Les espaces investigués ont notamment été :
- le groupe de travail mis en place dans la perspective de l’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre les perturbateurs endocriniens,
- les administrations nationale et européenne,
- l’espace journalistique,
- le secteur de l’eau et de l’assainissement.
sur le volet "Médias" de cette démarche a par ailleurs été réalisée dans le cadre de la série Arceau/AFB "Méthod'Eau".
Aller plus loin
Lutter contre les micropolluants dans les milieux aquatiques : quels enseignements des études en sciences humaines et sociales ?Rencontres n°32 - 2018
Cet ouvrage revient sur les acquis des sociologues des projets du dispositif "Micropolluants des eaux urbaines", avec un recul pris sur diverses questions relatives à la perception des citoyens sur ce sujet.
- Comment la population perçoit-elle les différents types de micropolluants ? Est-elle sensibilisée à leurs effets sur l’environnement ? Le petit cycle de l’eau est-il bien connu par la population française ?
- Le mot « micropolluant » est-il connu du grand public?
- La pollution associée aux pratiques domestiques en général est-elle identifiée par les citadins ?
- Les effets de cette pollution, pour la santé et l’environnement, sont-ils connus des populations interrogées ?
Conditions du changement de pratiques et "micropolluants domestiques"
Les sociologues du dispositif Micropolluants des eaux urbaines ont également exploré les conditions d'un changement effectif des pratiques et usages des produits polluants par les citadins, en axant fortement leurs études sur les produits cosmétiques et ménagers.
Apport des projets de l'AAP Micropolluants des eaux urbaines
Projet Cosmeteau (Paris)
Sociologie du changement de pratiques des consommateurs
Ce travail a permis d'initier le volet sociologique du projet, au travers d'un état des connaissances sur les utilisations de produits cosmétiques en termes de rationalité d’usage, et d'actions publiques existantes pour obtenir une modification des pratiques.
Identification des mécanismes de changement de perceptions et de pratiques concernant les produits cosmétiques
Ce rapport présente les résultats du travail d'enquête mené au cours du projet, auprès de consommateurs, de distributeurs ou de prescripteurs, afin notamment :
- de comprendre les pratiques de consommation et identifier une éventuelle appréhension du risque pouvant amener à modifier les pratiques,
- de connaître les éléments qui peuvent convaincre de changer,
- d'identifier les personnes militantes et prescriptrices d’une cosmétique biologique ou alternative, la nature des arguments fournis pour inciter les consommateurs à changer de produits et les types d’actions proposées pour engager ce changement.
Projet Lumieau-Stra (Strasbourg)
Les représentations du « tout-à-l’égout » et leurs déterminants : analyse sociopsychologique des perceptions et des intentions comportementales. Ce travail relate notamment l'étude ayant permis de mesurer l’intention d’utilisation par la population strasbourgeoise d’un produit ménager « fait maison » plus respectueux de l’environnement.
Projet Regard (Bordeaux)
Synthèse opérationnelle présentant le bilan du diagnostic territorial mené sur le territoire de Bordeaux Métropole.
Au chapitre de ce bilan concernant la "source domestique" (§7.2), sont réunies de nombreuses données inédites concernant les comportements auto-déclarés par les usagers ainsi que les modalités d’action possibles, ainsi que le ciblage des carences révélées. Les aspects suivants ont notamment été développés :
- appropriation des leviers d’actions,
- chemin menant de la responsabilité au devoir d’agir,
- importance de la norme pro-environnementale,
- freins à la prise de conscience de l’impact des micropolluants.
Le projet Regard aura également restitué un retour sur une expérimentation inédite intitulée "Famille Eau Défi", impliquant plusieurs dizaines de foyers volontaires bordelais, et relatant l'accompagnement à leurs changements de pratiques en matière d'utilisation de produits cosmétiques ou ménagers.
Aller plus loin
Lutter contre les micropolluants dans les milieux aquatiques : quels enseignements des études en sciences humaines et sociales ?Rencontres n°32 - 2018
Cet ouvrage revient sur les acquis des sociologues des projets du dispositif "Micropolluants des eaux urbaines", avec un recul pris sur diverses questions relatives aux changements de pratiques :
- part relative des solutions individuelles dans la résorption du problème des micropolluants,
- nécessité de changement de certaines valeurs et normes sociales,
- une conscience écologique et un bon niveau d’information suffisent-ils à motiver le changement?
- priorité donnée à la santé sur l’environnement.
Aspects méthodologiques
Le dispositif Micropolluants des eaux urbaines aura permis de formaliser plusieurs démarches en sciences humaines et sociales (SHS) adaptées spécifiquement à cette problématique, en vue d'expertiser les représentations mentales des divers acteurs et usagers, ainsi que le traitement de l'information concernant les micropolluants dans diverses strates de la société.
Productions méthodologiques
- Note méthodologique pour une étude sociologique des mécanismes de perception du risque et de changements de pratiques de consommation. Projet Cosmeteau, Paris. Cet ouvrage explicite des méthodes pour étudier les motivations et moyens mis en œuvre par les individus pour changer de pratiques.
- Lancement et traitement de l'alerte. Projet Cosmeteau, Paris. Ce travail rapporte les méthodes choisies pour qualifier et suivre les « lanceurs d’alerte » sur les questions de pollution. Il décrit également la démarche employée pour mettre en oeuvre l’analyse des controverses, depuis la question des incertitudes scientifiques jusqu'aux enjeux économiques et politiques
- Les représentations du « tout-à-l’égout » et leurs déterminants : analyse sociopsychologique des perceptions et des intentions comportementales. Projet Lumieau-Stra, à Strasbourg. Ce travail retrace les aspects méthodologiques des enquêtes menées dans ce projet s'agissant de la représentation par la population strasbourgeoise de la menace associée aux micropolluants, et de ses intentions d'utilisation de produits ménagers "faits maison".
- Un bilan méthodologique des approches SHS relatives aux usages de micropolluants domestiques a également été produit dans le cadre du projet bordelais Regard. Voir à ce sujet le chapitre 7.2: "Source domestique" de la Synthèse opérationnelle présentant le bilan du diagnostic territorial mené sur le territoire de Bordeaux Métropole.
Leviers pour la reconquête de la qualité des ressources en eau dans les territoires ruraux
À la croisée d’enjeux sociaux, économiques, écologiques et sanitaires majeurs, les 33 000 captages d’eau potable exploités en France font l’objet de politiques publiques spécifiques. Elles visent notamment à la protection des aires d’alimentation de captages (AAC) vis-à-vis des pollutions d’origine agricole. Depuis deux décennies, de nombreux captages sont fermés pour des raisons de qualité.
Après la mise en œuvre de périmètres de protection (loi sur l’eau de 1992) et la création des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE, loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006), l’effort se porte à la suite de la loi Grenelle de 2009 sur 500 captages identifiés comme prioritaires, auxquels se sont ajoutés 500 captages supplémentaires dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2016-2021.
Captages dont captages dits "Grenelle"
L’enjeu est la réduction à la source de la contamination par les nitrates et les pesticides : des plans d’actions préventifs doivent être définis par les collectivités maîtres d’ouvrages et mis en œuvre par les agriculteurs, soit sur une base volontaire, soit sur injonction règlementaire sous l’autorité des préfets. Pourtant, plus de sept ans après son entrée en vigueur, le déploiement de ce dispositif de protection reste insuffisant. Si l’étude de délimitation de l’AAC est finalisée pour 90 % des 500 premiers captages Grenelle, identifiés en 2008 avec un objectif de protection pour 2012, seuls 279 disposaient en 2016 de plans d’actions validés, et ceux-ci apparaissent parfois peu ambitieux. Cette difficulté tient, en partie, à la grande diversité des situations locales et à la complexité des jeux d’acteurs qui gravitent autour des captages dits « sensibles », en particulier pour les AAC très étendues. Il apparaît donc nécessaire d’explorer sans attendre de nouvelles voies de collaboration entre le monde agricole et les producteurs d’eau potable (PEP), afin de mettre sur pied des plans d’action à la hauteur des enjeux et d’en assurer une mise en œuvre effective, efficiente et efficace dans la durée.
Utiliser le levier foncier
Cet appel à projets a pour objectif d'analyser des modalités d’actions foncières à l’aune de leurs impacts écologiques mais également sociaux, culturels et économiques et ceci dans une perspective d’intégration territoriale. Dans ce cadre, le projet Fuseau (2018-2020) a été retenu, dont la finalité est de mobiliser différentes disciplines en SHS pour expliciter et documenter comment les différents acteurs à l’échelle des territoires se saisissent des différents outils de l’action foncière pour composer et agencer propriété et maîtrise d’usage, afin d’intégrer les enjeux de protection des milieux et biodiversité aquatiques. Il s’intéresse aux coordinations d’acteurs qui se construisent autour de deux outils complémentaires de l’action foncière :
- les outils permettant d’intervenir sur les terrains et qui renouvellent les relations propriété/usages agricoles : les outils conventionnels, avec un focus particulier sur les BRE et ORE,
- les outils permettant de pérenniser l’action foncière à vocation environnementale face aux arbitrages imposés par les enjeux multiples de la politique foncière à l’échelle des territoires : les documents de planification, en l’occurrence le SCOT.